Renforcer l’indépendance des rédactions, une urgence démocratique

Parmi les préconisations issues des États généraux de l’information (EGI), une mesure essentielle manque : le droit d’agrément, qui vise à renforcer l’indépendance des rédactions face aux actionnaires. L’urgence démocratique impose pourtant de reconnaître que la presse n’est pas un bien comme un autre. 

A la veille de l’examen, au Sénat, d’une proposition de loi socialiste défendant ce droit d’agrément, Juliette Demey et Bertrand Greco, coprésidents d’Article 34, reviennent pour la revue Esprit sur les raisons pour lesquelles cette disposition est à la fois polémique et emblématique. Leur article retrace les réflexions des différents groupes de travail des EGI et décrypte les arguments des opposants.

Dans son rapport final, remis le 12 septembre au président de la République, le comité de pilotage des EGI adopte une position frileuse sur le sujet. Aucune nouvelle mesure contraignante n’est imposée à l’actionnaire qui souhaite nommer un directeur de rédaction. Rien ne l’empêche de reproduire le « modèle JDD » : l’arrivée forcée d’un directeur contesté a poussé au départ 95 % de ses journalistes et entraîné une rupture radicale avec la ligne éditoriale historique de l’hebdomadaire.

L’écrasante majorité des journalistes est favorable au droit d’agrément, véritable outil de démocratie interne. Selon un sondage informel réalisé auprès de Sociétés des journalistes (SDJ) de médias télévisuels, radios et de presse écrite, 100% des 29 SDJ ayant répondu votent pour le droit d’agrément.

Le droit à l’information subit de multiples menaces : essor des fake news, défiance vis-à-vis des journalistes, déliquescence du débat public, fragilité du modèle économique, poids des annonceurs, hégémonie des plateformes numériques, accélération de l’Intelligence artificielle… Accorder un droit d’agrément aux rédactions ne règlera pas le problème de l’indépendance des médias en France, qui tient d’abord à leur concentration économique entre les mains d’une poignée de milliardaires. Mais cela constituerait un marqueur fort : celui d’une démocratie saine où l’intérêt général, le droit des citoyennes et des citoyens à l’information, prime sur les intérêts particuliers.